👓 La langue bretonne dans le pays d’A-Bas

Le pays d’A-Bas (et pas Abba 😉 )

Le pays d’A-bas reste assez mĂ©connu , En gĂ©nĂ©ral les pays bretons de Basse Bretagne ; tel le LĂ©on, TrĂ©go, Cornouaille… sont assez simple Ă  situer et Ă  dĂ©finir, en Haute Bretagne la notion de pays est plus difficile Ă  apprĂ©hender qu’en Basse Bretagne au vu de leur taille plus consĂ©quente, mise Ă  part le MenĂ© ou le pays de la MĂ©e par exemple.

Pays Vannetais

Le pays Vannetais est clairement divisĂ© deux parties, une bretonne et l’autre gallĂšse.

Haute et Basse-Bretagne

Le pays vannetais gallo se trouve pour schĂ©matiser Ă  l’Est de Vannes jusque Redon.

On retrouve bien le pays Vannetais Gallo entre Redon et Vannes, Ploërmel au nord.
Pays d'A-Bas en détail
Le Pays d’A-bas en vert clair

MĂȘme si la carte peut paraitre prĂ©cise il est difficile de dĂ©finir les limites. Le pays de Ploermel appartenait Ă  l’ĂȘvĂ©chĂ© de Saint Malo, celui de Redon Ă  celui de Vannes. La notion mĂȘme de pays Mitao, de Pays d’A-bas est assez rĂ©cente.

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Le pays d’A-bas correspond aux cantons de Questembert et de Muzillac principalement, il est bordĂ© Ă  l’ouest par le Bro-Gwened bretonnant, au nord -au delĂ  des Landes de Lanvaux- par le pays de Malestroit, Ă  l’est du TrĂ©vĂ©lo par le Haut-pays et au sud par le pays Mitaod oĂč la Vilaine a aussi servir de limite Ă  l’ancien Ă©vĂȘchĂ© de Nantes. Jusque dans les annĂ©es 50, il Ă©tait possible d’observer une certaine unitĂ© culturelle et Ă©conomique dans cette zone « tampon ».

La Langue ou les langues ? du pays d’A-Bas

Cette zone « tampon Â» entre le Pays bretonnant de Vannes et GallĂ©sant de l’autre cĂŽtĂ© de Rochefort en Terre pratique une langue qui lui est propre (forte accentuation tonique issue du breton). Il est limitĂ© par le pays de Malestroit et les landes de Lanvaux au nord, la frontiĂšre linguistique Ă  l’ouest, le haut pays au nord est et le pays Mitaud au sud est. Une enquĂȘte de 1806 fait par Coquebert de Monbret indique que, seul le breton est parlĂ© dans toute cette zone. En fait, la population passera directement du Breton au Français au cours du 19Ăšme siĂšcle, peut-on parler de français? ou alors un Gallo teintĂ© de breton qui Ă©tait jadis parlĂ© sur ce territoire?

Au niveau toponymie 75% des noms de lieux sont d’origines bretonne.

Le pays d’A-bas est spĂ©cifique a bien des Ă©gards.

Traces de breton au XVI e siĂšcle

A cette Ă©poque, Lauzach parlait Ă  peu prĂšs exclusivement la langue bretonne. Cette paroisse n’Ă©tait d’ailleurs pas Ă  la limite du breton, mais Ă  plus de quinze kilomĂštres des rĂ©gions françaises les plus proches.

A partir du XVII siĂšcle, on trouve un certain nombre de renseigne- ments intĂ©ressants prĂ©cisant la limite linguistique allant de Lanvaux Ă  la Vilaine, c’est-Ă -dire, la rĂ©gion situĂ©e Ă  l’est de Lauzach.

Un premier point d’appui important se prĂ©sente dans l’ouvrage de Dubuisson-Aubenay, ItinĂ©raire de Bretagne en 1636, grand in-4 Ă©ditĂ© Ă  Nantes, en 1893, par la sociĂ©tĂ© des Bibliophiles bretons.

Dans le tome 1 de cet ouvrage, Ă  la page 177, Dubuisson-Aubenay se rendant de Vannes Ă  l’Ă©vĂȘchĂ© nantais et traversant la Vilaine au bac de La Roche-Bernard, Ă©crit : «PassĂ© le trajet, vous entrez en La Roche Bernard, bourg bien gros, mais ils n’ont nulle mĂ©moire de sa posture, ni mais me qu’il n’y ait eu jamais de chĂąteau. LĂ , la langue maternelle est gallote ou françoise, la bretonne demeurant au-delĂ  de la riviĂšre qui sĂ©pare les diocĂšses de Vennes et de Nantes, tous mixtes. Car dans celuy de Nantes, plus bas vers la mer, on parle breton et françois. » https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k73687p/f204.item.zoom

En 1672 un autre voyageur, A. Jouvin, dans son livre intitulĂ© « Voyage en France, dĂ©diĂ© Ă  M. de Pomponne, secrĂ©taire d’Etat, Ă©ditĂ© Ă  Paris, chez Denis Thierry, rue Saint-Jacques, Ă  l’enseigne de la ville de Paris », avec privilĂšge du roi, note lui aussi ses impressions aprĂšs la traversĂ©e de la Vilaine au bac de La Roche-Bernard :

« AussitĂŽt qu’on a passĂ© cette riviĂšre, Ă©crit-il, on ne parle plus que le breton, qui est une langue Ă©trangĂšre et bien diffĂ©rente de la françoise qui est assez connue dans les grosses villes de la Basse-Bretagne, mais sur le chemin et dans les villages on ne l’entend point. »

Ces lignes corroborent la prose de Dubuisson-Aubenay. Les campagnes de Marzan voisinant le bac de La Roche-Bernard parlaient encore la langue bretonne Ă  la fin du XVII siĂšcle, la Vilaine prĂ©sentant dans toute cette rĂ©gion un obstacle sĂ©rieux Ă  l’extension du français.

On ne peut guĂšre objecter la possibilitĂ© pour Jouvin de confondre le breton et le patois, comme l’insinue Gourvil dans son ouvrage, Langue et littĂ©rature bretonne Ă©tant donnĂ© qu’il prend soin d’ajouter Ă  son rĂ©cit un vocabulaire français breton permettant aux voyageurs de se tirer d’affaire pour se procurer au moins les choses les plus indispensables, en arrivant Ă  Muzillac, le premier bourg important quand on vient de La Roche-Bernard.

Ainsi, quarante ans aprÚs Dubuisson-Aubenay, les limites linguistiques dans les régions de Marzan avoisinant le bac de La Roche-Bernard ne paraissent guÚre avoir changé.

XVIIIĂš siĂšcle

Arrivons maintenant au XVIIIe siĂšcle. Nous pouvons trouver quelques indications dans l’Ă©tude d’Alfred Le Quer, Le recul du breton aux alentours de Questembert.

Le tracĂ© de Le Quer passe Ă  quelques kilomĂštres Ă  l’est d’Arzal pour atteindre PĂ©aule, puis Limerzel. Il se glisse ensuite Ă  mi-chemin entre Questembert et Pluherlin et rejoint les abords du Cours de Molac (aujourd’hui Le Cours).

En ce qui concerne cette derniĂšre ville, le tracĂ© prĂ©sentĂ© par Le Quer peut ĂȘtre lĂ©gĂšrement rectifiĂ© grĂące Ă  un rapport datĂ© de 1712 conservĂ© aux Archives dĂ©partementales du Morbihan (B816-817 prĂ©sidial de Vannes 1635-1783).

En voici le texte :

L’an mil sept cent douze le premier jour de septembre jour de dimanche soussignĂ©, Prion huissier au siĂšge de la mirautĂ© de Vannes.

Rapporte s’estre exprĂšs transportĂ© de ma sus dite demeure avec mes tĂ©moins cy aprĂšs nommĂ© jusques au bourg paroissiale de Mollac ou estant Ă  l’issue de la grande messe y ditte et cĂ©lĂ©brĂ©e le dit jour hors le lieu saint en l’endroit accoutumĂ© Ă  faire les bannies et proclamation de justice Ă  haute et intelligible voix tant en français qu’en breton Ă  la requĂȘte de haut et pussant seigneur RenĂ© Alexis sir le SĂ©nĂ©chal Carcado, chevallier seigneur comte de Carcado, marquis de Rosmadec de Pontcroix…et de Mollac…

Archives du Morbihan

Une grande messe Ă  Molac, un jour oĂč il n’y a aucune fĂȘte spĂ©ciale ne peut attirer une foule Ă©trangĂšre au pays, ce rapport tend Ă  prouver que dans les villages isolĂ©s aux alentours de Molac, on comptati encore nombre de personnes ignorant ou comprenant mal le français.

D’aprĂšs De Kervilier (« Histoire de Limerzel », manuscrit du chĂąteau de Kerfas), les bannies Ă©tiaent Ă©galement faites en breton et français.

Pour la partie ouest de Questembert l’enquĂȘte ci dessous de 1806 est trĂšs documentĂ©e.

L’enquĂȘte linguistique de 1806 dans le pays d’A-Bas

L’enquĂȘte dans le Morbihan fut menĂ©e Ă  deux reprises par Charles Coquebert de Monbret, chargĂ© par NapolĂ©on du recensement des langues en France. En 1806, l’intĂ©rĂȘt portait uniquement sur la limite des langues. Seulement en 1808, une nouvelle correspondance fut ouverte au sujet des dialectes bretons et gallĂšses. Le prĂ©fet Jullien de Bidon Ă©tait le seul interlocuteur sur place pour ces deux correspondances.
Les recherches sur la frontiÚre entre le français et le breton furent initiées
par la circulaire ministérielle, le 7 juillet 1806. Le préfet Jullien y répondit dÚs
le 16 juillet, affirmant que c’était un travail « trĂšs facile et n’exigeant pas
beaucoup de tems ».

la carte en elle mĂȘme est probablement perdue. Nous savons nĂ©anmoins de sa lettre qu’il s’agissait d’une carte dans laquelle on a sĂ©parĂ© par un tracĂ© de couleur toutes les communes oĂč l’on parle français de celles oĂč l’on se sert du breton, soit exclusivement, soit concurremment avec le français.

Cette ligne commence au sud aux salines d’Herbignac passe la Vilaine Ă  la Rochebernard, se dĂ©tourne Ă  St. Morice commune de Serent, se poursuit par Gueltas et se termine Ă  Croixanvec ce qui laisse Ă  l’ouest les deux tiers du dĂ©partement.

Coquebert de Montbret a dressĂ© d’aprĂšs cette carte une liste des communes
situées le long de la limite linguistique que Ferdinand BRUNOT a
reproduite en 1969 dans le livre « Histoire de la langue française des origines à nos jours Tome IX.

Communes de langue françaiseCommunes de langue bretonne
Herbignac, 1Penestin, 21
La Roche-BernardCamoil (Camoel).
Nivilliac (Nivillac), 2Férel (Feret), 22
Béganne, 3Arzal, 23
Caden, 4Marzan, 24
Limerzel, 5Peaule
Pluherlin, 6Le Guerne, TrĂšve (Le Guerno), 25
Ploucadeuc (Pleucadeuc)Noyal Muzillac, 26
Bohal, 7Questembert
Saint-Maurice (petit 2), 8Molac, 27.
Brignac, 9Larré, 28.
Saint-Nicolas, 10Elven
PlumelecMonterblanc, 29
Billo, 11Plaudren, 30
Gueheno, 12Saint-Jean de Brevelay, 31
La Chapelle es Brieres (La Chapelle
des BriĂšres), 13
Saint-Alloueste (Saint-Allouestre), 32
Buleon, TrĂšve, 14Moreac, 33
Radenac, 15Naizin, 34
ReguinyKer Fourne, TrĂšve, 35
Credin (Crédin), 16Noyal-Pontivy, 36
RohanSaint-Corand, TrĂšve, 37
Saint-Gauvry, 17Croissanvec, 38
Saint-Samson, 18
Gueltas, 19
Saint-Gonnory (Saint-Gonnery), 20
Carte des communes bretonnante en 1806 pays d'A-Bas
Carte des communes bretonnante en 1806

AprĂšs avoir confrontĂ© les informations du prĂ©fet Ă  d’autres sources – « des voyageurs » –, Coquebert de Montbret exigea de vĂ©rifier l’exactitude du tracĂ© sur la carte dans une lettre du 20 octobre 1806.
Dans sa rĂ©ponse, Jullien rectifia effectivement ses premiers renseignements en prĂ©cisant qu’il avait compris dans le domaine breton trois communes bilingues (Penestin, Camoel et Ferrel) oĂč le breton Ă©tait en usage, mĂȘme si le français y Ă©tait dominant.

RĂ©pondant ensuite Ă  la demande de fournir une liste des communes du Morbihan portant outre le nom français un nom breton, il observa que les communes de ce dĂ©partement n’ont qu’un seul nom dont la prononciation diffĂšre un peu en breton et en français, mais qui s’écrit Ă  peu prĂšs de la mĂȘme maniĂšre dans les deux langues. (RĂ©ponse du prĂ©fet Jullien de
Bidon, 31 octobre 1806, BNF NAF 5911 f. 350) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10073819b/f496.item.zoom


Le 7 avril 1808, Coquebert de Montbret s’adressa Ă  nouveau au prĂ©fet pour enquĂȘter sur les dialectes bretons et gallĂšses parlĂ©s dans le Morbihan. Dans une premiĂšre rĂ©ponse, Jullien promit des Ă©chantillons, mais fit valoir les difficultĂ©s de se procurer des exemples des deux idiomes. Il ne les transmit Ă  Paris que le 17 septembre 1808.

Son envoi comprenait une traduction incomplĂšte de la parabole de l’enfant prodigue en breton, une lettre rĂ©digĂ©e par Thuault de la Bouvrie, ancien dĂ©putĂ© du Tiers-État, de PloĂ«rmel, contenant des expressions de la langue parlĂ©e Ă  PloĂ«rmel (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10073819b/f505.item.zoom) qui en fait comprend bon nombre d’expressions gallĂšses, qui prouve que l’on parlait bien le Gallo.

En 1843, A. Marteville et P. Varin, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne
, vol. 1 cite les villes du pays d’A-Bas dans ce sens (https://books.google.fr/books?id=DI8DAAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=Limerzel&f=false) et volume 2 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5394191n/f341.texteImage)

On parle le bretonOn parle le français
LimerzelCaden
Berric (mais le français se répand dans la commune)Larré
LauzachMolac
TreffléanMalansac
SulniacMalestroit
Pluherlin
Questembert
Rochefort en Terre
Elven (mais breton dans les villages bordant Saint Nolff)

Traces du breton

On arrive Ă  retrouver quelques traces Ă©crites permettant d’indiquer que le breton Ă©tait parlĂ©, par exemple lors des festivitĂ©s du millĂ©naire de la bataille d’Alain Le Grand Ă  Questembert le 20 et 21 avril 1907 :

On applaudit Ă  tout rompre et les cris des bretonnants : Bevet Breiz ! se mĂȘlent Ă  ceux des gallos : Vive la Bretagne !

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5810123j/f49.image.r=gallots

Dans certaines familles du pays d’A-Bas, dont les souvenirs remontent oraux peuvent remonter au XIX siĂšcle, on affirme que le breton n’y a jamais Ă©tĂ© parlĂ©. D’autres, prĂ©tendent par contre que certaines personnes le connaissait. La derniĂšre personne a le parlĂ© Ă©tait Pierre Le Pallec, nĂ© Ă  Billiers le 29 mars 1865, mariĂ© Ă  Arzal le 06 octobre 1891 avec Marie Dubot.

(https://rechercher.patrimoines-archives.morbihan.fr/ark:/15049/vta54487a864e3f1/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_e078083202da56b5eb48262f9f2fe7b4#id:914012974?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00&center=1610.740,-836.728&zoom=9&rotation=0.000), et vivait à Noyal-Muzillac du cÎté de Bosco, il parlait de tout en breton et en était fier.

D’ailleurs Noyal-Muzillac a Ă©tĂ© la derniĂšre commune oĂč l’on parlait breton, sa microtoponymie est typiquement bas-bretonne. En fait aujourd’hui les chercheurs affirment qu’il a du ĂȘtre conjointement parlĂ© avec le français et le gallo, pendant plusieurs siĂšcles des quartiers ont dĂ» ainsi entretenir une forme de bilinguisme, de prĂ©fĂ©rence le long de la frontiĂšre linguistique, ce qui permettait des Ă©changes avec les Vannetais monolingues. Ce bilinguisme expliquerait les cartes anciennes qui mettait ci ou lĂ  le pays d’A-Bas en basse et Haute Bretagne. Le passage au monolinguisme a laisser peu de traces dans la population, moins traumatisant qu’en Basse-Bretagne. Sinon le processus d’abandon est semblable : de moins en moins nĂ©cessaire, en peu de gĂ©nĂ©rations, on ne parle plus le breton Ă  ses enfants.

Des chants bretons ont aussi été collectés dans le pays par Philippe Blouët :

  • PaotredigoĂč ‘gostez Gwened (Sulniac, Pierre le Brun, 1975)
  • A zek da bevar (Sulniac, Pierre le Brun, fĂ©vrier 1975)
  • Be’ zo dek miz’ zo (Sulniac, Vincente Quatrevaux, fĂ©vrier 1975)
  • Ar-Dreñv ti ma zad (Sulniac, Vincente Quatrevaux, fĂ©vrier 1975)
  • A pa oan-me bihan (Lauzach, Joseph Le Guil, Mars 1980)
  • Daomp da greiz an hent (Sulniac, Pierre le Brun, aoĂ»t 1975)
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